Le jeu en vaut-il la chandelle ?
Queen H. & Soul

Noël... Le fêtes sont si déprimantes lorsque l'on est seule pour les passer. Une mère sans cesse portée disparue. Une meilleure amie ne donnant pas signe de vie. Une bonne rentrée chez elle pour les fêtes. La seule famille que j'aie aujourd'hui ? Moi, mes os et mes entrailles. Seulement. Refusant de sortir du lit, j'y passai toute la matinée, ayant établi résidence sous la couette, refusant catégoriquement d'en sortir. A quoi bon ? Sous la couette ou non, j'étais seule. J'étais seule pour le réveillon de Noël. J'agrippai encore un peu plus la couverture et la remontai au dessus de ma tête. Je me rendormis.

Il était 13 heures lorsque je rouvris les yeux. Non, décidément, ce n'était pas convenable de la part d'une reine de l'Upper East. Et il l'était encore moins que Gossip Girl s'en rende compte, se rende compte qu'Helena Greenwald se laissait dépérir au fond de ses draps le jour du réveillon de Noël..! Quelles en seraient alors les répercussions ? Je savais que Gossip Girl était capable à tout moment de me faire sombrer. Beaucoup le voulait. Me faire tomber de ce piédestal que je m'étais forgée, seule; de cet empire que j'avais construit. Impulsivement je rejetai la couette. Une moue de résignation s'afficha sur mon visage. Je restais un moment à regarder le plafond, sans bouger, allongée sur le dos. Le but de la reine est d'assurer sa prospérité. Je réfléchissais. D'un geste vif je saisis mon portable sur ma table de chevet. Tapotant quelques mots, je restais pensive quant au destinataire. Et il me revint en tête, ce beau brun de Manhattan que j'avais rencontré à la projection du dernier Lars von Trier. Johnatan... Oui, c'était ça. Quoi de mieux que de sortir au bras d'un bel homme, de surcroît cultivé et de bonne famille, pour que Gossip Girl ne voit rien du fond de l'histoire ?

Réveil difficile. Quelque chose me tira de mon sommeil sans que je sache ce que c’était. J’avais du mal à comprendre ce qu’il se passait. Où j’étais, avec qui, quel jour on était, quelle heure … J’étais sur le ventre, allongé sur un matelas à même le sol. Mes yeux se sont ouvert doucement, petit à petit pour ne pas être trop ébloui par la lumière du soleil. Toujours ce bruit qui me prenait la tête en plus. Je pris sur moi pour me redresser et m’asseoir sur le matelas. La pièce dans laquelle j’avais passé la nuit était pratiquement vide, juste un canapé et ce matelas … Matelas qui n’était pas seulement occupé par moi mais pas une jeune fille aux longs cheveux blond. *J’ai du succès avec elles en ce moment il faut croire… *
Elle dormait encore, heureusement pour moi. Des yeux je cherchais mes vêtements qui devaient se trouver éparpillé un peu partout. Grognement sourd et c’est partit. Je me redresse et attrape mon jean que je remets rapidement avant de le lever complètement. Mon t-shirt et ma chemise se trouvaient sur le canapé, mes chaussures … Une devant la porte et l’autre …
De nouveau ce bruit. Je fronce les sourcils, plus qu’agacer. Je cherche dans tout les sens ce qui peut bien faire tout ça. « Le Téléphone, bien sûr … »
Je glisse ma main sous mon oreiller pour attraper mon mobile qui vibrait en continuité. 2 messages. Premier de ma très chère maman et l’autre de … Helena ? Vraiment. Un petit sourire se dessina sur mes lèvres. Elle voulait qu’on se voit en ville. Parfait, au moins j’aurais de quoi faire aujourd’hui.
J’attrape mes vêtements en vitesse, retrouve ma deuxième chaussure dans les escaliers et je file dehors. Tout ça bien sur après avoir répondu à Helena.
Il était peut être temps que je retourne chez moi, histoire de me changer et de me donner un air présentable.

Vers 19 heure je débarquais dans le territoire de la jeunesse dorée. Je fus surpris de voir à quel point je n’avais plus ma place ici. Les strass et les paillettes ce n’était plus pour moi. Avec mon vieux costume, mes cheveux en batail, mes légères cernes et mon regard perdu dans le vide. Mais bon … Je devais faire un effort. Helena était une fille chouette et plutôt classe, pas besoin de lui montrer que j’étais au fond du gouffre. * Mais avant tout mon petit Soul, cigarette. *
Je m’en allumais une alors que j’avançais vers le lieux du rendez vous.

Le Hyde était un endroit plutôt sympa dans son genre. Ambiance relaxe, des couleurs et surtout … et ça peut faire bizarre de dire ça mais, une ambiance propre. Depuis que je touche à la poudre j’en ai vue des endroits space et plutôt glauque. Et là … Là c’était quand même la grande classe !
Après ma petite inspection du bar je réussi à localiser Helena, tranquillement installée à une table à siroter un cocktail. Le sourire aux lèvres je me dirigeai vers elle. « Helena. On broie du noir en période de fête ? »
J’étais content de la voir mais mine de rien j’étais plutôt mal à l’aise. Un poil paranoïaque peut être mais je me sentais trop décalé par rapport à cet endroit.

J'aperçus vite Johnatan passer l'entrée du bar. Il arborait une démarche désinvolte, néanmoins il affichait une sorte de confusion, ou peut-être un sentiment d'inquiétude... On avait tous nos secrets, je ne le savais que trop bien... Je l'observai scruter la salle à ma recherche, sans bien entendu faire aucun geste lui indiquant mon emplacement; il ne fallait pas en demander trop. Le pied du verre à cocktail entre les doigts, faisant lentement danser le liquide coloré, je ne quittais pas des yeux la silhouette s'avançant dans ma direction. Lorsqu'il fut assez près, je ne pus réprimer une légère moue face à ce costume qu'il avait sur le dos. C'était loin d'être du neuf, clairement passé de goût pour un enfant de l'Elite qui pouvait s'offrir les derniers Burberry, Kenzo, ou encore le meilleur tailleur italien... Et ces cheveux ?! Soit, Johnatan avait un look, mais ça frisait le laissé aller... Mon air de dédain s'afficha d'autant plus sur mon visage que je sentis cette horrible odeur de tabac froid émaner de ses vêtements. Je ne haïssais pas le tabac, mais j'exécrais son odeur, et sa façon de s'infiltrer dans les vêtements pour ne plus vouloir en sortir... Malgré tout, je fis l'effort d'en laisser paraître le moins possible; ce garçon était là pour moi ce soir, et j'avais besoin de lui. Et puis, tous ces "détails" étaient repérables de près, et Gossip Girl n'en serait que trop éloignée... C'était en tout cas ce que j'espérais.

J'affichai alors un large sourire. « Helena, on broie du noir en période de fête ? » Non, il ne fallait pas que je me laisse décontenancer si facilement. Je ris un court instant, pris une petite gorgée de mon cocktail puis plongeai mon regard dans les yeux de Johnatan. « Et qu'en est-il de vous, Mister Rodners, pas de meilleure compagnie avec laquelle passer Noël ? » Sourire. Le ton du sarcasme. Je ne pouvais décidément pas m'en empêcher. A moins que je ne le veuille pas vraiment... Bref. Je ne voulais pas subir l'interrogatoire; c'était moi la reine, et le ton était donné. J'avais bien sympathisé avec toi lors de notre rencontre. Mais ce soir le contexte était tout autre.

Mais décontractons l'atmosphère, H... Avec tout l'amabilité du monde, sans attendre de réponse à la précédente question qui n'en était pas une, je m'offris de lui demander « un cocktail ? » Dès la question posée, sans m'enticher d'une quelconque réponse de sa part, je me retournai vers le bar, m'éclaircis la gorge bruyamment pour capter l'attention du barman, et lui dis, tout en sourire, « un verre, selon les habitudes de monsieur ! » Il allait de soit que chaque enfant de l'Upper East avait son alcool fétiche, et que les barmans, se devant d'être le moins dérangeants possible, l'enregistraient. En outre, le Hyde étant un des bars les plus fréquentés par l'Elite, il ne faisait aucun doute que les goûts de Johnatan devaient y être répertoriés.

C'est lorsque le barman s'avança à notre table, se calant face à Johnatan, que je compris que ce n'était pas le cas. Il se pencha légèrement et s’adressa à lui « Monsieur ? » Je regardais mon compagnon du réveillon, incrédule. J'attendis qu'il donne le nom de la boisson de son choix au grand blond qui attendait. Sans trop me préoccuper de sa réponse, je bus la dernière goutte de mon verre et le tendis, sans un regard, à l'homme en fonction avant qu'il ne reparte. Là, j'attendis un instant, jouant avec les gouttes d'alcool tombées sur la table, y dessinant des volutes avec mes doigts. « Tu n'es jamais venu dans ce bar ? »

Lorsque Johnatan ouvrit la bouche, un léger bredouillement sorti d'entre ses lèvres; il semblait un brin confus, mais sa gêne disparut presque aussi vite qu'elle était arrivée. « Et bien … En fait … Il se trouve que je ne suis pas vraiment du genre à trainer ici. » Il marqua une pause lors de laquelle le barman posa sur notre table nos deux verres. Je fus d'abord surprise d'entendre ces mots, bien que je l'avais au préalable supposé; je n'en laissais rien paraître, semblant écouter ses paroles d'une oreille étourdie. « Je suis plus théâtre et cinéma plutôt que lounge bar. » J'aspirais une gorgée du cocktail, jouant avec mes doigts sur le verre. Si cultivé que ça, vraiment ? Il est vrai que j'avais pu remarquer son enthousiasme à discuter du cinéma de Lars Von Trier, Almodovar ou autres Kubrick et Hitchcock. Mais de là à me faire gober que ce rockeur passait son temps dans les cinémas et les théâtres... il y avait des limites à la crédulité. Encore m'aurait-il dit bar à bière que cela m'aurait semblé plus plausible... « En tout cas ça me fait plaisir de te voir. Comment vas-tu ? » Hum. A court d'idée. Il sentait qu'il s'enfonçait, et j'avais beau jouer la fille crédule qui ne l'écoutait que d'une oreille, ma réputation me précédait, et il devait sentir que je ne pouvais qu'à moitié tomber dans son panneau... Il avait des choses à cacher. Je souris. Je pris une voix enjôleuse et plongeais mes yeux au plus profond des siens. « Oui, ça me fait plaisir également que tu aies accepté mon invitation. » Je marquai une pause et glissai le rebord du mon verre entre mes lèvres, y faisant couler un peu du liquide bleu. Je repris « Je vais bien, très bien. Et toi, Johnatan ? Tu sembles fatigué. Dure soirée ? » Jusque là rien de bien gênant, je crois. C'est après que les complications allaient arriver... J'adorais m'immiscer dans la vie des autres, et j'adorais tenter de découvrir ce qu'ils me cachaient. Bien sûr, je gagnerai un temps fou à m'adresser directement à Gossip Girl, elle qui voyait tout et savait tout, ou presque. Mais je trouvais toujours plus stimulant ce petit jeu du chat et de la souris, tenter de découvrir par soi-même ce qu'il se tramait, voire pousser les autres jusque dans leurs retranchements... Je m'en délectais. Et, entre nous, je n'avais rien de mieux à faire aujourd'hui. Et puis, si Gossip Girl avait trouvé un secret outrageux sur mon partenaire de la soirée, peut-être l'aurait-elle gâché... Johnatan était mon alibi, il ne fallait pas que je le détruise ce soir.

Ceci dit il est vrai que je ne connaissais que très peu le beau brun qui m'accompagnait... Nous avions parlé de cinéma, mais à part ça, qui était-il ? J'avais la soirée pour le découvrir. Encore fallait-il que je trouve la bonne technique pour lui sortir les vers du nez... J'avais choisi une bonne tenue, si j'y ajoutais quelques sourires et un brin de sensualité, peut-être tomberait-il dans mes filets ? Et puis, un peu d'alcool pourrait lui délier la langue...

« Je vais bien, très bien. Et toi, Johnatan ? Tu sembles fatigué. Dure soirée ? » Je lâche un petit rire. Dure soirée ? Peut être, pour être honnête je n’en sais rien. Enfin… En y réfléchissant bien le fait que je ne me souvienne que de la moitié des trucs que j’ai fait pourraient laisser entendre que c’était une très bonne soirée. Ce qui était dur c’était le réveil le lendemain (midi). « J’ai eu du mal à m’endormir. Ma sœur est rentrée de son voyage à Paris et elle avait un paquet de chose à raconter à mes parents. C’était assez agaçant. » Ce qui m’avait pousser à sortir pour faire la fête. Il faut dire que les jérémiades de Effy et les cris des mes chères parents n'étaient pas forcement agréable à entendre.
Encore une fois je m’en sortais sans dire de mensonge. Je commençais à être bon à ce jeu là.

L’ambiance dans se bar était plutôt agréable au final. Bar, je ne sais pas réellement comment l’appeler autrement, et je me doute bien que ce n’est pas le meilleurs mot à utiliser car ça a tout de même une connotation négative… Mais bon. Quand on ne peut pas faire autrement on se débrouille comme on peut.
Et c’est tout en continuant d’observer la déco et les gens qui peuple cet endroit que je commence à vider mon verre. Ça fait du bien par où ça passe mais je dois quand même faire un gros effort pour ne pas me marrer. Je n’ai vraiment plus l’habitude de ce genre de cocktail et faut que je fasse gaffe car je risque de m’y faire et de ne plus pouvoir m’en passer. De quoi j’aurais l’air après ? Moi je gros fêtard des bas quartier à avoir des gouts de luxe… Au moins j’étais sur que ici je ne croiserais pas d’ami de ces « bas quartier » qui risquerait de me griller auprès de Helena qui ne voudra surement plus trainer avec moi après. C’est que je l’aime bien au fond. Elle n’est pas aussi détestable que les gens de son rang. « Alors. C’est ici que la jeunesse dorée de Manhattan est censé passer ses après midi ? Si j’avais su ça plus tôt … » J’offre un large sourire à Helena avant de vider encore un peu plus mon verre. Je ne sais pas vraiment à quoi m'attendre avec elle ce qui fait que je dois être deux fois plus sur mes gardes.

« J’ai eu du mal à m’endormir. Ma sœur est rentrée de son voyage à Paris et elle avait un paquet de chose à raconter à mes parents. C’était assez agaçant. » Je retins un petit rire aigüe. Cette réponse sonnait faux. De toute évidence il voulait se faire passer pour ce qu’il n’était pas, avec cette culture poussée à outrance pour ce rocker qui ne fréquente que théâtres et cinémas, et cette idée d’apparaître comme le plus sage des hommes… Or tout contrastait crument avec ce look qu’il arborait. Et on ne me fera pas dire le contraire : l'image que nous véhiculons, physiquement, par notre style vestimentaire, entre autres, est un véritable reflet de notre personnalité. Et quelle était-elle pour Johnatan ? Ces cheveux en bataille, ces poches sous les yeux, il sentait la débauche à plein nez, et plus ils répondaient aux questions pourtant anodines que je lui posais, plus je sentais que j’approchais du but. Lequel ? Découvrir celui qui était assis en face de moi.

« Ah, tu as donc une sœur ! » Je n’en avais rien à faire, en tout cas à cet instant précis. D’ailleurs il ne prit pas la peine de répondre. J’avais cette idée fixe dans la tête de le percer à jour. Et surtout, pourquoi s’obstinait-il à me mentir ? (car je ne doutais pas qu’il me mentait) Il voulait faire bien devant moi ? Eh quoi, un gosse de son rang n’en a que faire ! A moins bien sûr qu’il vise quelque chose… Mais restait à savoir quoi. Aurait-il des vues sur moi ? Hum… C’est une hypothèse à creuser. J’avais les yeux rivés sur lui, au dessus de mon verre. Il semblait en pleine contemplation de tout ce qui nous entourait : gens, décors, mobiliers… C’était assez étrange. Je suivis son regard pour tenter de comprendre… Mais je ne voyais rien susceptible de retenir mon attention. Rien d’autre que ce beau brun en face de moi, et qui me faisait vaguement penser à quelque chose, ou plutôt quelqu’un… Mais je savais plus qui exactement, aussi je ne m’attardai pas vraiment à creuser dans ma mémoire.

« Alors. C’est ici que la jeunesse dorée de Manhattan est censé passer ses après midi ? Si j’avais su ça plus tôt … » Un large sourire qui semblait idiot se ficha sur son visage. Je m’étais redressée, surprise par cette question. C’était bien la plus étrange jusqu’à présent. Il parlait de nous d’une manière si détachée… D’ailleurs, quand j’y réfléchis je n’avais jamais eu vent d’un certain Johnatan Rodners dans l’Elite. Lui et sa famille devait vivre à l’écart des mondanités, certainement. Rodners… J’avais déjà entendu ce nom, pourtant. Mais à quelle occasion ?

« La jeunesse dorée de Manhattan, dont tu fais partie mon cher Johnatan, n’est censée passer ses après-midi nulle part. Elle vaque où elle veut aller. Tu en es la preuve incarnée d’ailleurs, non ? » Je répondis à son sourire. Ma tête était remplie de questions sans réponse à son sujet, mais je ne pouvais pas me résoudre à les lui poser directement. « Et j’affectionne cet endroit. D’ailleurs, même si ce n’est pas ton cas, j’imagine que tu as toi aussi ton bar fétiche.. ? Peut-être même que tu m’en ferais découvrir un nouveau, bien que j’aie déjà gouté à tous les cocktails que tous les bars huppés de notre cher Manhattan… » Piège. J’adorais ce petit jeu, c’était des plus stimulant ! J’enfonçais mon regard au plus profond du sien, un petit sourire innocent sur les lèvres, et une étincelle dans les yeux. Je terminai mon verre d’une gorgée et levai la main en l'air pour faire venir le barman. D'un regard, je fis comprendre à Johnatan qu'il devait terminer son verre pour en commander un second. Je repoussais sur mon dos les mèches de cheveux qui me tombaient sur la poitrine et collai de nouveau mon regard aux sien. Je m'avançais un peu plus vers la table et lui enjoignis un regard complice. « Et puis, depuis une vingtaine d’années passées à Manhattan, j’imagine que tu as au le temps de fréquenter autre chose que des cinémas et des théâtres… » Voilà, ouvrons sur le passé. Alors, Johnatan, depuis combien de temps vis-tu ici pour que je n’ai jamais eu vent de ton existence au sein de l’Elite ? Et puis, cette impression de déjà vu que j’ai en te regardant… Peut-être que tu m’offriras un indice ?