A dire vrai… Je n’ai pas énormément de souvenirs de mon enfance. Ca reste un détail en suspend. La seule chose dont je me souviens, c’est de me réveiller, à l’âge de 5 ans, dans un hôpital. Je ne me souvenais plus de mon prénom, plus de mon identité et mes parents étaient très loin dans ma mémoire. Je revois encore les médecins venir dans ma chambre, un à un, en me demandant avec une voix toute gentille si j’avais quelques souvenirs lointains, des flashs. Je ne savais pas du tout quoi leur répondre ! Ils me harcelaient de questions, mais ce qu’ils avaient en face d’eux n’était qu’une petite fille complètement perturbée avec des blessures à la tête. Apparemment, on m’aurait retrouvée allongée, dans un petit sentier, avec du sang sur la tête ; j’aurais heurté quelque chose, un rocher peut-être.
Par la force des choses, je me retrouvais dans un orphelinat avec pour seul point de repère, cette chaîne que je ne quitte jamais, où il y a inscrit mon prénom et mon deuxième prénom. Je m’appelle Miloé Sullivan, et j’ai été élevé dans un endroit peu convenable, avec des gens qui me critiquaient. J’étais tout le temps à l’écart ! Mes jouets devenaient les leurs, mes dessins devenaient qu’une tonne de papier en boule. Heureusement que tout le monde n’était pas comme ça. Un garçon qui est devenu mon meilleur ami et qui sait tout sur tout de moi, m’avait accompagné pendant une grande période. Le jour où nos regards se sont croisés, tout me semblait déjà plus simple et lorsque sa main avait atterri dans la mienne, ça ne faisait que confirmer mes pensées. Je me sentais protégée. Cependant, ça n’a duré que quelques années, puisqu’il a quitté l’orphelinat vers une famille d’accueil. Encore une fois, donc, je me retrouvais bien seule. J’ai du rapidement prendre mes marques, prendre du caractère, devenir plus forte ! C’est ce que tout le monde attendait sans doute de moi, et c’était bien plus difficile que je ne le pensais, mais j’y arrivais.
Concernant ma scolarité, j’apprenais, mais j’avais la tête ailleurs. La nuit, pendant mon sommeil, je rêvais de choses et d’autres qui me paraissaient plus que réelles, et je les retranscrivais sur le papier. Certes, j’avais la tête ailleurs, mais l’on ne me prenait pas comme une fille rêveuse, éloignée de tout le monde. Non, au contraire ! J’étais rapidement devenue celle sur qui on peut compter, derrière qui se cacher au moindre problème ; ma force de caractère en a rassuré plus d’un, le fait que je sois loyale aussi. J’étais en gros, la bonne copine ! Depuis, cette réputation m’a toujours suivi.
A mon adolescence, j’augmentais en popularité, sans le vouloir. Toujours grâce à cette sacrée réputation, mais aussi parce que je devenais petit à petit une femme qui avait besoin d’affection. Je n’avais pas de parents, pas de proches, pas de famille ! Je me jetais donc dans les bras des garçons, des filles… Ah oui, je suis bisexuelle. Cependant, en aucun cas on ne m’a traité de fille facile !! Tout simplement parce que je ne couchais pas. Je sortais avec qui voulais de moi, mais en aucun cas je ne leur donnais mon corps… Du moins, jusqu’à mes 17 ans avec un garçon qui m’a toujours plus ou moins attirée. C’était bien évidemment mon meilleur ami. Ce soir-là, j’avais eu l’autorisation par l’orphelinat pour sortir à l’extérieur ; oui, parce qu’étant responsables de nous, et n’ayant pas la majorité, il était bien évidemment hors de question de sortir quand bon nous semblait ! On avait, ce que nous appelons un couvre-feu. La blague ! J’étais habituée à faire le mur, pour aller dans les discothèques, les bars et mentir sur mon âge avec une fausse carte d’identité, pour finalement me prendre une grosse leçon de morale le lendemain, mais sans ça, je pense que je n’aurais pas pu profiter pleinement de ma jeunesse !
Il était assez proche de minuit, j’étais dans la file d’attente, en train d’attendre mon tour et quand vint enfin mon tour, le videur regarda à deux fois ma carte d’identité, doutant de celle-ci… Je pensais ne pas pouvoir entrer, même avec mon habituel sourire qui en faisait craquer plus d’un, mais alors que mon espoir tombait à l’eau, une main emportait la mienne et sans que je n’ai eu le temps de comprendre quelque chose, de suivre ce que le jeune homme disait au videur, je me retrouvais dans l’endroit à ambiance. Je m’interrogeais, mais ma bouche entrouverte n’arrivait pas à prononcer le moindre flot de paroles que je voulais dire. « Arrête de baver Sully et amuse-toi avec moi ce soir. » Avait-il dit, en m’adressant un sourire. Cette phrase avait eu l’effet d’une bombe dans ma tête ; ce surnom, il n’y avait que lui pour m’appeler ainsi. Je l’avais interpellé de son prénom et il m’avait seulement rendu un sourire en signe de confirmation, avant de me faire comprendre par un baiser déposé sur le coin de mes lèvres qu’il était heureux de me revoir. Il avait tant changé ! Moi, en revanche, je devais sans doute avoir une tête qui ne changeait que très peu d’il y a quelques années, ou avoir un tic permettant aux gens de me reconnaître, et c’était le cas ; d’après lui, j’avais des petites fossettes quand je souriais qu’il aurait reconnu entre mille.
Toute cette soirée, nous l’avions passé ensemble, à ne pas nous quitter, à boire quelques verres en déconnant autour de ceux-là, nous racontant les nouveautés, jusqu’à finir dans les bras l’un de l’autre et de passer la nuit ensemble. Je ne sais pas si c’était sa première fois, mais pour moi, ça l’était, et je ne le regrette absolument pas. Après cette nuit, nous ne nous sommes jamais quittés. Je ne vais pas vous dire que l’on est sorti ensemble, ce serait vous mentir… ! Il était du genre à ne pas se poser et de mon côté, j’avais peur de m’attacher à un homme qui avait plein de femme dans sa vie. Pourtant, mes sentiments à son égard sont toujours très forts ! Mais nous sommes tellement complices que j’appréhende que tout soit détruit à cause d’une simple connerie.
A mes 18 ans, je prenais enfin mon indépendance en partant de l’orphelinat. Je n’étais pas encore majeure, mais j’avais la possibilité de prendre un appartement en faisant le point, toutes les deux semaines, avec mon tuteur. Tout se passait bien, mes études, mes fréquentations, je n’avais pas de problème particulier, sauf un… Des flashs. Au début, ils n’étaient pas fréquents, mais de plus en plus ils sont devenus régulier… Je ne peux m’empêcher de me poser des questions sur mon identité, sur cette chaîne autour de mon cou, sur mes parents… Et les images que je vois sans cesse ne sont pas assez claires pour que je puisse y comprendre quelque chose. Elles me montrent des bâtiments, des bouts d’endroit, mais j’ai beau chercher, je ne trouve pas.
Aujourd’hui, je suis à l’université, en troisième année de stylisme. Je profite de celle-ci pour me perfectionner et espère une chose : pouvoir ouvrir, dans quelques temps, ma propre boutique, me faire un nom dans le métier, et peut-être, qui sait, pouvoir me faire remarquer par mes parents ?