La pluie s'écoulait lentement le long de la fenêtre. Les coudes appuyés contre son bureau, le regard de Dewey ne cessait de fixer l'extérieur. Jusqu'à la dernière seconde, il avait regardé la limousine de ses parents quitter l'étroit parking de l'école. Puis, l'air triste, il avait observé les allers et venus des autres parents qui, eux, prenaient le temps d'amener leurs enfants à l'école, de leur souhaiter une bonne journée et de leur promettre d'être à nouveau présent le soir venu. Ce qui n'était pas le cas du jeune Dewey, alors âgé de 7 ans. Une fois de plus, ce serait un employé de maison parmi d'autres qui s'occuperait de venir le chercher. Puis, il rejoindrait la demeure familiale. Un grand immeuble dans le ciel New-Yorkais, sans plus de charme que les quelques coups de dessin de l'architecte. Un style maintenant démodé mais toujours aussi imposant, somme toute classe mais sobre. Ses parents occupaient les derniers étages de ce grand bâtiment, qui abritait en réalité leur hôtel. Le premier d'une longue lignée, celui par lequel son père était parvenu à se faire un nom. Ce dernier, fils d'une famille ouvrière, était parti de rien. Grâce à une bourse d'excellence, il avait pu financer ses études en affaires et, dès son diplôme en poche, avait, comme d'autres, surfer sur la vague folle de l'immobilier. Un secteur aux opportunités illimités. Son audace avait fonctionné mieux qu'il ne l'aurait imaginé. Rejoint par une femme directrice d'une maison d'édition, tous deux formaient un couple puissant et respecté au sein de l'élite New-Yorkaise. En somme, cela représentait beaucoup de choses incompréhensibles pour un enfant de sept ans à peine. Encore dans l'âge de l'insouciance, Dewey profitait de cette vie de privilégié sans réellement s'en rendre compte. Il ne voyait ni ne comprenait le fossé entre lui et la majorité des gens. D'ailleurs, tout dans sa vie était fait pour qu'il ne côtoie que les bonnes choses. A commencer par son école. Il remarquait tout de même combien certains parents d'élèves tenaient à se montrer amicaux et affectueux à son égard, mais pourquoi diable tout ce cinéma ? Dewey souhaitait seulement se comporter comme il l'entendait, jouer avec qui il voulait et pratiquer les mêmes activités que ses camarades plutôt que de rester confiné chez lui. Souvent occupés, le jeune garçon devait redoubler d'ingéniosité pour bénéficier de l'attention de ses parents quelques minutes par jour. Ces derniers ne semblaient s'occuper de lui que lorsqu'ils donnaient des ordres à leurs employés de maison. Dans un certain sens, Dewey n'était jamais seul mais, malgré tout, il passait à côté de beaucoup de choses et ne partageait que très peu avec ses parents. Ses anniversaires ne se résumaient jamais à de grandes fêtes, plutôt à une petite tape sur l'épaule et à un certificat d'actions dans telle compagnie plutôt qu'un jouet à la mode.
Les années passant, cette atmosphère distante et froide forgea son caractère d'adolescent hautain et fêtard. Enfin confiant du monde dans lequel il évoluait, Dewey n'hésitait pas à en profiter. Sans modération. Le temps des premières expériences, des premiers excès, etc. Pourtant, et depuis toujours, une chose semblait lui manquer. Une chose inestimable, que tout l'argent du monde ne suffirait à lui apporter. La liberté. La liberté de se montrer sous son vrai jour, la liberté d'exposer ses sentiments sans risquer sa réputation et sa crédibilité, la liberté de vivre comme bon lui semblait en se défaisant des codes et autres exigences de la haute société.
La fin du lycée arriva plus vite qu'il ne l'aurait imaginé et un réel défi immergea, la partie jusqu'alors immergé de l'iceberg. Ses parents, ne voyant aucunement l'intérêt que leur unique enfant suive des cours à l'université, l'encouragèrent plutôt à suivre leur voie. En d'autres termes, son tour viendrait bientôt pour reprendre l'une ou l'autre entreprise familiale et, encore inexpérimenté, Dewey devait faire ses preuves. Sinon, ses parents n'hésiteraient pas à donner leur affaire à une personne de confiance. Ainsi, alors que toutes ses connaissances et amis se dirigeaient vers la grande inconnue des études supérieures et pouvaient partager cette nouvelle expérience entre eux, Dewey devait gérer seul l'énorme tâche qui s'imposait à lui.
Quelques jours auparavant, alors que la moitié de la ville frissonnait de froid à Times Square pour célébrer le passage à la nouvelle année, le jeune homme apprenait une nouvelle pour le moins déstabilisante. Dans le salon principal, assis sur un canapé Italien du XVIIIéme siècle, ses parents lui donnait une échéance. Dans huit mois à compter de cet instant, Dewey devrait leur prouver par n'importe quel moyen qu'il était digne de confiance, en parvenant à s'imposer en tant qu'homme d'affaires. Autrement, il pouvait dire adieu à sa principale et convoitée carrière de rentier.

Personnage interprété : Poste Vacant
Prénom – Pseudo : MllePancake
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